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Daniele Lorenzini, docteur du LIS, distingué pour sa thèse sur les rapports entre éthique et politique

Publié le 8 décembre 2015

La thèse en philosophie de Daniele Lorenzini « La politique des conduites. Pour une histoire du rapport entre subjectivation éthique et subjectivité politique » vient d’être saluée par le prix de thèse Université Paris Est. Rencontre avec le lauréat.

Date(s)

le 7 décembre 2015

Quel est votre parcours universitaire ?

J’ai suivi mes études en Italie, à l’Université de Pise et à l’Ecole normale supérieure de Pise. Ensuite, je me suis inscrit en doctorat à l’Université Paris Est, où j’ai obtenu une allocation de recherche et effectué un monitorat au département de philosophie de la Faculté lettres, langues et sciences humaines (LLSH) de l’UPEC.

Ma thèse, que j’ai soutenue en juin 2014, a été rédigée dans le cadre d’une co-tutelle entre l’UPEC et Université « La Sapienza » de Rome, sous la direction de Frédéric Gros et de Piergiorgio Donatelli.

Quelles sont les grandes lignes de votre thèse ?

Ma thèse, de façon générale, vise à explorer les rapports qu’il est possible d’établir entre éthique et politique chez trois philosophes appartenant à des traditions apparemment éloignées et que j’ai cherché pour la première fois à faire dialoguer : Michel Foucault, Pierre Hadot, et le philosophe américain Stanley Cavell.

Plus précisément, j’ai élaboré dans ma thèse une « philosophie analytique de la politique » qui a pour but de rendre visibles l’existence et le fonctionnement concret des mécanismes du pouvoir dans la vie quotidienne des individus, ainsi que de rendre claire la manière dont le rapport (éthique) de soi à soi constitue un véritable enjeu politique.

Une telle entreprise se noue de façon étroite avec une étude historique des formes du rapport de soi à soi, c’est-à-dire avec l’analyse d’une série de pratiques -que l’on retrouve dans la philosophie occidentale de la Grèce antique à nos jours- qui visent à transformer le rapport (le plus souvent irréfléchi) que les individus ont à eux-mêmes, aux autres et au monde.

Quels enjeux scientifiques vos travaux soulèvent-ils ?

Un premier enjeu réside dans la tentative de faire dialoguer de manière systématique (et je crois féconde) la tradition de la philosophie continentale et celle de la philosophie analytique : Foucault et Hadot d’une part, Wittgenstein, Austin et Cavell de l’autre.

Un deuxième enjeu, plus spécifique, est de montrer la valeur politique d’une « éthique de soi », en mettant en lumière à la fois la façon dont les mécanismes du pouvoir gouvernemental contemporain essaient en permanence de structurer le rapport de l’individu à lui-même (afin de façonner des « sujets assujettis »), et les stratégies que ce même individu peut mettre en œuvre afin de résister et de se « subjectiver » de manière plus autonome.

Pourquoi selon vous votre thèse a-t-elle été saluée par ce prix ?

Cette question me met un peu dans l’embarras : je ne le sais pas !

Peut-être le jury a-t-il voulu saluer une originalité par rapport à la production philosophique contemporaine, l’ouverture d’un champ de réflexion inédit...

Sans doute aussi le lien potentiel de ma recherche avec des problématiques socio-politiques de notre temps a-t-il été récompensé. Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et leurs « suites » nous montrent notamment que l’état d’exception mis en place par les autorités françaises se couple avec la création de ce que Frédéric Gros a appelé un « sujet sécuritaire »  (article du journal « Le Monde » du 21 novembre 2015 « Trop de sécuritaire tue la sécurité »), c’est-à-dire un sujet qui est conduit –par la peur ou la méfiance vis-à-vis de l’autre- à accepter une réduction significative de ses propres libertés pour plus de sécurité.

Voilà un exemple affreusement actuel de la manière dont le rapport de soi à soi et la façon que chacun a de se conduire dans sa vie de tous les jours viennent constituer, aujourd’hui, un enjeu politique crucial.

Comment qualifierez-vous l’encadrement doctoral dont vous avez bénéficié ?


Excellent ! J’ai très vite été considéré par mes deux co-directeurs de thèse plus comme un collègue que comme un étudiant, et ils m’ont ainsi tout de suite fortement responsabilisé du point de vue du travail individuel. En même temps, ils ont toujours répondu présents pour la relecture d’articles ou des chapitres de ma thèse, et pour un conseil en cas d’impasse.

Par ailleurs, tant le LIS que l’école doctorale « Cultures et sociétés » m’ont permis de jouir d’une très grande liberté et autonomie dans les projets personnels que je souhaitais inscrire au sein des grands axes de recherche de l’équipe. J’ai également toujours eu la chance de pouvoir profiter d’une aide financière pour mes déplacements, afin de participer à des colloques, journées d’études et séminaires, en France ainsi qu’à l’étranger.

J’ai en outre pris part aux diverses animations doctorales proposées par l’ED tant d’un point de vue méthodologique (comment écrire une thèse ?) que pratique (après une thèse, quels débouchés ?),  et ces formations m’ont été très utiles.

Quels sont vos projets professionnels ?

Je viens de publier chez Vrin un ouvrage qui se fonde pour l’essentiel sur mon travail de thèse, sous le titre « Ethique et politique de soi. Foucault, Hadot, Cavell et les techniques de l’ordinaire », accueilli au sein de la collection « Problèmes & Controverses » dirigée par Jean-François Courtine. Je rédige en ce moment un second ouvrage qui porte de manière plus spécifique sur Michel Foucault et son « histoire de la vérité ».

Depuis ma soutenance, je suis ATER à la Faculté de médecine de l’UPEC, où je dispense des enseignements en éthique médicale et bioéthique. J’enseigne également la philosophie des sciences cognitives, humaines et sociales au Département philosophie de la Faculté LLSH.

Entre temps, j’ai obtenu ma qualification aux fonctions de Maître de Conférences, tant en section 17 (philosophie) qu’en section 4 (science politique) du CNU, et je vais donc me présenter aux différents concours de recrutement.