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Ebola : une étude en Guinée révèle la persistance d’une immunité cinq ans après la vaccination
Dans une nouvelle étude menée en Guinée, des scientifiques du Vaccine Research Institute (VRI), de l’Inserm et de l’université Paris-Est Créteil ont montré que la réponse immunitaire cellulaire induite par trois stratégies vaccinales différentes se maintient jusqu’à cinq ans après la vaccination. Ces résultats, qui viennent conforter les stratégies vaccinales actuelles contre Ebola, sont publiés dans Nature Communications le 3 septembre 2024.
Le virus Ebola est responsable de fortes fièvres et d’hémorragies souvent mortelles. De nombreux pays d’Afrique subsaharienne font régulièrement face à des flambées épidémiques. En Afrique de l’Ouest, en 2014, le virus Ebola a ainsi provoqué la plus grande épidémie connue jusqu’à présent. Il a depuis réémergé plusieurs fois en République démocratique du Congo (RDC), mais aussi en Guinée. La vaccination constitue aujourd’hui l’un des outils les plus efficaces pour lutter contre la maladie, et l’un des enjeux majeurs pour la recherche est de continuer à améliorer les connaissances sur la réponse immunitaire induite à long terme par les vaccins actuellement disponibles.
Depuis 2019, deux vaccins ont obtenu une préqualification de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) contre la souche Ebolavirus Zaïre : le vaccin rVSVΔG-ZEBOV-GP (Ervebo®), développé par Merck, et la stratégie vaccinale comprenant les vaccins Ad26.ZEBOV (Zabdeno®) et MVA-BN-Filo (Mvabea®) de Janssen.
En 2022, le consortium international PREVAC (voir encadré final), comprenant des équipes de l’Inserm, du NIH (National Institute of Health) et de la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM) a publié une étude dans le New England Journal of Medicine s’intéressant à la sûreté et l’efficacité de trois schémas vaccinaux :
- le premier schéma vaccinal testé consistait à injecter une dose du vaccin Ad26.ZEBOV suivie 56 jours plus tard d’une dose de MVA-BN-Filo ;
- le deuxième schéma consistait à injecter une dose de rVSVΔG-ZEBOV-GP ;
- enfin, le troisième schéma commençait par une dose de rVSVΔG-ZEBOV-GP suivie, 56 jours après, d’un rappel avec ce même vaccin.
Réponse humorale et réponse cellulaire |
En décembre 2023, le suivi à 5 ans des participants de l’essai clinique PREVAC s’est achevé, les résultats sont en cours d’analyse et permettront d’évaluer l’immunité à long terme induite par les vaccins. Les scientifiques ont analysé l’immunité cellulaire chez 230 participants en Guinée, juste après vaccination, à un an et cinq ans après vaccination.
« Il s’agit de la première étude issue du consortium PREVAC à s’intéresser spécifiquement à la réponse immunitaire cellulaire des participants. Elle vient compléter les connaissances déjà acquises sur la réponse humorale à un an et propose les premiers résultats de suivi à 5 ans », souligne Aurélie Wiedemann, immunologiste au VRI et à l’Institut Mondor de recherche biomédicale (Inserm/Université Paris-Est Créteil) et première autrice de l’étude.
À partir de prélèvements sanguins réalisés à Conakry, les scientifiques ont pu analyser la réponse des lymphocytes T CD4+ et CD8+ à la vaccination. Ils ont montré la présence de cellules T CD4+ anti-Ebola cinq ans après la vaccination, quel que soit le schéma vaccinal. La persistance de ces réponses est importante pour le maintien de la mémoire immunitaire humorale en cas d’exposition au virus Ebola. Les auteurs montrent d’ailleurs, chez un sous-groupe de volontaires, une corrélation entre la réponse cellulaire T CD4+ et la quantité d’anticorps spécifiques à long terme.
Si la réponse T CD4+ est importante pour le maintien d’une réponse anticorps, la présence de cellules T CD8+ cytotoxiques est également cruciale pour une protection antivirale efficace. Une réponse T CD8+ spécifique a été mise en évidence chez les individus vaccinés par deux des trois schémas vaccinaux.
« Ces résultats seront complétés prochainement par les données de la réponse humorale – sur la production d’anticorps – issues de l’ensemble des pays du consortium PREVAC, sur un plus grand nombre de participants. Toutefois, ces résultats sont prometteurs et suggèrent que la vaccination contre le virus Ebola peut induire une immunité durable. Ils ouvrent également la voie à un ajustement des stratégies de vaccination actuelles, en permettant d’évaluer, par exemple, la nécessité d’un rappel vaccinal à long terme », précise Yves Lévy, directeur du VRI et dernier auteur de l’étude.
En 2020, l’équipe avait également publié une étude dans Nature Communications sur l’immunité des personnes ayant survécu à une infection par le virus Ebola, deux ans après leur sortie de l’hôpital. Un des prochains axes de recherche pourrait consister à comparer la réponse immunitaire à long terme de ces survivants avec celle induite par la vaccination, afin d’identifier des corrélats de protection[3] possibles contre l’infection, ceux-ci étant pour l’instant indéterminés.
Ainsi, cette nouvelle étude pourrait contribuer à identifier les réponses vaccinales qui seraient efficaces contre l’infection, à améliorer les stratégies vaccinales actuelles, et à définir des stratégies vaccinales de rappel à long terme pour maintenir la protection des personnes particulièrement à risque comme les travailleurs de santé en Afrique.
À propos de PREVACPREVAC (Partnership for Research on Ebola Vaccinations ou Partenariat pour la recherche sur la vaccination contre Ebola ; NCT02876328) est un consortium international qui mène des recherches en Afrique de l’Ouest pour évaluer la sécurité et l’efficacité de la vaccination contre Ebola.Le projet bénéficie d’un cofinancement de l’Inserm, du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM) et du College of Medicine and Allied Health Sciences (Comahs), ainsi que d’un soutien de la Guinée, du Liberia, du Mali et de la Sierra Leone. Le soutien sur le terrain de l’ONG Alima a également été crucial pour favoriser l’adhésion de la population à la recherche et le suivi des volontaires. Les industriels Merck et Janssen ont fourni les vaccins utilisés dans le cadre de l’essai. Le projet a aussi bénéficié d’un financement supplémentaire pour continuer le suivi des volontaires sur le long terme (projet PREVAC-UP coordonné par l’Inserm) via le programme EDCTP2 (European and Developing Countries Clinical Trials Partnership) soutenu par l’Union européenne. |
[1]La préqualification signifie qu’un vaccin satisfait aux normes de qualité, d’innocuité et d’efficacité de l’OMS. Sur la base de cette recommandation, les organismes du système des Nations unies et l’alliance Gavi peuvent acheter le vaccin pour les pays à risque.
[2]Cette analyse a été effectuée en collaboration avec l’équipe SISTM du Bordeaux Population Health Research Center (unité 1219 Inserm/Université de Bordeaux).
[3]Ce sont des marqueurs immunologiques qui sont associés à la protection contre une infection : par exemple le taux d’anticorps post-vaccination contre l’hépatite B est un bon corrélat de la protection. Autrement dit, dans le contexte de la vaccination, ils désignent les paramètres que les scientifiques surveillent pour savoir si le vaccin fonctionne et protège efficacement contre l’infection.
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Sources
Long-term cellular immunity of vaccines for Zaire Ebola Virus DiseasesNature Communications, 3 septembre 2024
DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-024-51453-z
Aurélie Wiedemann1,2¥, Edouard Lhomme1,3,4¥, Mélanie Huchon1,4, Emile Foucat1,2, Marion Bérerd-Camara5, Lydia Guillaumat1,2, Marcel Yaradouno5, Jacqueline Tambalou5, Cécile Rodrigues1,2, Alexandre Ribeiro1,2, Abdoul Habib Béavogui6, Christine Lacabaratz1,2, Rodolphe Thiébaut1,3,4, Laura Richert1,3,4, Yves Lévy1,2,7*, and the Prevac study team
- Vaccine Research Institute, Université Paris-Est Créteil, France
- INSERM U955, Institut Mondor de Recherche Biomedicale (IMRB), Team Lévy, Créteil, France
- Univ. Bordeaux, INSERM, Institut Bergonié, CHU de Bordeaux, CIC-EC 1401, Euclid/F-CRIN clinical trials platform, Bordeaux, France
- Univ. Bordeaux, Inserm, Population Health Research Center, UMR 1219, INRIA SISTM, Bordeaux, France
- Alliance for International Medical Action
- Centre National de Formation et de Recherche en Santé Rurale (CNFRSR), Maferinyah, Guinea
- Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Groupe Henri-Mondor Albert-Chenevier, Service Immunologie Clinique, Créteil, France
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