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Timothé Denaës, docteur de l’IMRB, distingué pour sa thèse sur la maladie alcoolique du foie

Publié le 7 décembre 2016

La thèse en physiologie et pathologie clinique de Timothé Denaës « Rôle de l’autophagie macrophagique dans la maladie alcoolique du foie et la fibrose hépatique », vient d’être saluée par le prix de thèse Université Paris Est le 8 novembre 2016. Elle a été dirigée par Fatima Teixeira-Clerc (école doctorale sciences de la vie et de la santé).

Date(s)

le 8 novembre 2016

Quel est votre parcours universitaire ?

Après une Licence de science du vivant à l’université Pierre et Marie Curie en 2010, j’ai obtenu en 2012 un Master de biologie intégrative et physiologie, toujours à l’université Pierre et Marie Curie, spécialité physiologie et physiopathologie, puis en 2015 un Doctorat en physiologie et pathologie clinique à l’université Paris Est.

Pouvez-vous préciser le contexte des recherches dans lequel se situe votre thèse ?


La consommation excessive d’alcool est une cause majeure de morbi-mortalité des pathologies hépatiques chroniques. Les lésions hépatiques consécutives à la consommation d’alcool se regroupent sous le terme de maladie alcoolique du foie et comprennent un ensemble de désordres hépatiques allant de la simple accumulation de graisses dans le foie, connue sous le nom de stéatose, à une inflammation (hépatite alcoolique) en présence ou non de tissu cicatriciel, appelé fibrose, pouvant évoluer en cirrhose et en cancer du foie.

Les processus responsables des atteintes hépatiques induites par l’alcool sont complexes et ne sont pas complètement élucidés. Néanmoins, le développement de nombreux modèles animaux au cours des dernières années a permis une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans le développement de la maladie alcoolique du foie.

Le traitement de la maladie alcoolique du foie repose dans tous les cas sur l’abstinence, et dans les formes sévères d’hépatite alcoolique sur la corticothérapie, un traitement à base de corticoïdes permettant de diminuer l’inflammation. Toutefois, en dépit d’un gain de survie à court terme, l’efficacité du traitement reste insuffisante. Une meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie alcoolique du foie devrait permettre d’explorer de nouvelles pistes thérapeutiques.

Quelles sont les grandes lignes de votre thèse ?

La maladie alcoolique du foie est une cause majeure de mortalité dans les pays industrialisés. Elle regroupe un large spectre de lésions hépatiques allant de la stéatose à l’hépatite alcoolique, la fibrose et son stade ultime, la cirrhose. Les processus responsables des atteintes hépatiques induites par l’alcool sont complexes, cependant des travaux récents montrent que l'inflammation joue un rôle important dans le développement de la maladie alcoolique du foie. Il a notamment été établi que l’activation des cellules immunitaires du foie, en particulier les cellules de Kupffer qui sont les macrophages hépatiques, contribue au développement des lésions hépatiques induites par l’alcool. En effet, l’activation des cellules de Kupffer entraine la production de médiateurs inflammatoires qui favorisent la stéatose, la progression vers l’hépatite alcoolique et l’activation des mécanismes de fibrogenèse.

Le terme autophagie provient du grec (αυτοφαγία) qui signifie « se manger soi-même » et désigne un processus cellulaire qui permet la dégradation et le recyclage des constituants cellulaires pour garantir le bon fonctionnement de la cellule. Des études antérieures indiquaient que l’autophagie dans les macrophages pouvait réduire l'inflammation dans le cadre de certaines maladies inflammatoires telles que la colite, la tuberculose et l'athérosclérose. Nous avons alors émis l'hypothèse que l'autophagie des macrophages pourrait protéger de la maladie alcoolique du foie en limitant l'inflammation.

Au cours de ma thèse, je me suis intéressé aux mécanismes régulant la réponse inflammatoire au cours de la maladie alcoolique du foie et de la fibrose hépatique. Mes travaux de recherche ont été axés sur le rôle du processus autophagique dans les macrophages au cours de ces hépatopathies.

Dans une première étude, nous nous sommes intéressés aux effets de l'autophagie des macrophages sur les étapes précoces de la maladie alcoolique du foie, le développement de la stéatose. Dans une étude antérieure, nous avions montré que l'activation du récepteur des cannabinoïdes de type 2 (CB2), un des deux récepteurs liant les cannabinoïdes, par un agent pharmacologique réduisait la stéatose chez des souris exposées une administration chronique d'alcool. Nous avions montré que cet effet protecteur était lié à une diminution de la production de cytokines inflammatoires par les macrophages en réponse à l'activation de CB2. Au cours de ma thèse, nous avons montré que l’activation du récepteur CB2 induit le processus autophagique dans les macrophages et que l’autophagie régule les effets anti-inflammatoires et anti-stéatogènes du récepteur CB2, observés précédemment au cours de la maladie alcoolique du foie.

Cette étude a été publiée dans Scientific Reports, une revue scientifique internationale, en 2016.

Dans une seconde étude, nous nous sommes intéressés aux effets de l'autophagie des macrophages sur les étapes plus tardives des maladies hépatiques, le développement de la fibrose. Nous avons montré que l’autophagie macrophagique est un processus anti-inflammatoire régulant la fibrose hépatique par un mécanisme dépendant de l’IL-1alpha et l’IL-1beta.

Cette étude a été publiée dans Autophagy, une revue scientifique internationale, en 2015.

L’ensemble des résultats obtenus au cours de ma thèse met en évidence le rôle bénéfique de l’autophagie dans les macrophages au cours de la maladie alcoolique du foie et de la fibrose hépatique. L’utilisation de molécules ciblant l’autophagie dans ces cellules pourrait donc constituer une nouvelle stratégie pour le traitement de la maladie alcoolique du foie et de la fibrose hépatique.

Pourquoi selon vous votre thèse a-t-elle été récompensée ?
Ma thèse a permis de publier deux articles sur des découvertes majeures quant à la compréhension des mécanismes pathologiques de la maladie alcoolique du foie et de la fibrose hépatique :

- l’autophagie macrophagique protège de la fibrose hépatique,
- le récepteur CB2 exerce des effets bénéfiques au cours de la maladie alcoolique du foie via l’induction de l’autophagie macrophagique.

Que diriez-vous de l’encadrement dont vous avez bénéficié ?

Le Docteur Fatima Teixeira-Clerc (équipe physiopathologie et thérapeutique des hépatites virales chroniques et des cancers associés – équipe 18 de l’IMRB m’a formé sur le travail de laboratoire (techniques de bases en biologie cellulaire et moléculaire et technique spécifique du laboratoire) et sur le travail de chercheur (gestion du projet de recherche, communications internationales, veille scientifique).

Parallèlement, l’Université Paris Est m’a permis de réaliser des formations spécifiques, très riches : valorisation économique de la recherche, expérimentation animale de niveau 1 (diplôme délivré par l’ENVA), propriété industrielle et brevets.

Quels développements ultérieurs envisagez-vous pour ces travaux de recherche ?

Nos travaux suggèrent que l’activation du processus autophagique dans le macrophage pourrait constituer une nouvelle piste pour ralentir la progression de la maladie alcoolique du foie et de la fibrose hépatique, en réduisant l’inflammation hépatique. Au cours de ma dernière année de thèse, j’ai démarré un nouveau projet de recherche sur le rôle de l’autophagie macrophagique dans la carcinogenèse hépatique dans l’équipe du Professeur Pawlotsky, sous la supervision du Docteur Fatima Teixeira-Clerc. Les résultats préliminaires ont permis l’obtention d’une bourse doctorale pour un nouvel étudiant et devraient permettre d’étendre les effets bénéfiques de l’autophagie macrophagique au carcinome hépatocellulaire.