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Sina Naserian (IMRB), distingué pour sa thèse sur une nouvelle immunothérapie par la voie TNF/TNFR2

Publié le 13 décembre 2017

La thèse de Sina Naserian « La voie TNF/TNFR2 : une nouvelle immunothérapie ciblant les points de contrôle dans l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques» vient d’être saluée par le prix de thèse Université Paris-Est. Rencontre avec le lauréat.

Sina Naserian (IMRB), distingué pour sa thèse sur une nouvelle immunothérapie par la voie TNF/TNFR2
Sina Naserian (IMRB), distingué pour sa thèse sur une nouvelle immunothérapie par la voie TNF/TNFR2
Date(s)

le 8 janvier 2018

1. Quel est votre parcours universitaire ?
J’ai commencé mes études en Iran, à l’Université de Téhéran. Ensuite, je suis venu en France pour faire mon master à l’Université Paris Descartes en Ingénierie Biomédicale (Biothérapie cellulaire et moléculaire) puis je me suis inscrit au doctorat à l’Université Paris-Est, où j’ai obtenu une allocation de Région Ile-de -France pour 3 ans et une autre allocation de 6 mois de l’Ecole doctorale Sciences de la Vie et de la Santé. J’ai pu ainsi effectuer ma thèse à l’hôpital Henri Mondor dans l’unité INSERM U955 (équipe 21), de l’IMRB.

2. Quelles sont les grandes lignes de votre thèse ?

Les lymphocytes T régulateurs (Treg) sont des cellules capables de moduler la réponse immunitaire dans les deux sens : en grande quantité et activées elles freinent la réponse immunitaire, absentes ou inactives, elles la libèrent. Il a d'abord été démontré dans des modèles expérimentaux de maladie du greffon contre l'hôte (GVHD), une complication très grave des greffes de moelle osseuse, que l’élimination des Treg pouvait accentuer la GVHD, alors qu’une thérapie cellulaire à base de Treg peut la contrôler. Ces modèles précliniques ont conduit au développement d'essais cliniques de thérapie cellulaire avec des résultats très prometteurs dans greffes de moelle osseuse.

Mon laboratoire d’accueil a montré en 2010 que l’élimination des Treg augmente l’activité d’autres cellules T et permet d’augmenter l’effet anti-leucémique des greffes. Cependant, les procédures d’élimination des Treg ou leur  production restent difficiles à développer en grande clinique limitant ainsi leur utilisation. Il est donc essentiel d'avoir une meilleure compréhension des facteurs impliqués in-vivo dans l’effet des Treg au cours de ces greffes de moelle osseuse afin de développer des approches thérapeutiques alternatives. Plusieurs études ont montré qu'en l'absence de cellules T effectrices, l’effet suppresseur des Treg est altéré. Etant donné que le TNFα est une cytokine centrale abondamment produite par les cellules T au cours de la GVHD nous avons testé si, dans ce contexte, les Treg étaient également dépendant d’une signalisation via le TNFα. Pour tester cette hypothèse, nous avons utilisé trois approches expérimentales différentes bloquant l’interaction TNF/TNFR2 dans notre modèle de GVHD expérimentale. Nous révélons pour la première fois une dépendance complète au TNFα des Treg en termes de capacités suppressives in-vivo.

Nous montrons également que la seule inhibition de la production de TNFα par les cellules T du donneur est suffisante pour abolir complètement l'effet suppresseur des Treg. Nous pensons que nos résultats ouvrent la voie vers le développement d’une nouvelle approche thérapeutique ciblant les points de contrôle de la réponse immunitaires afin de moduler la réponse T dans les greffes de moelle osseuse. En effet, l'inhibition de la voie TNF/TNFR2 pourrait potentialiser l'effet GVL des lymphocytes T du donneur en bloquant l'effet des Treg. Inversement, la GVHD pourrait être fortement réduite ce qui aboutirait au contrôle de la GVHD par l’utilisation d’une molécule agoniste du TNFR2 qui permettrait d’augmenter les Treg ex-vivo.

3. Quels enjeux scientifiques vos travaux soulèvent-ils ?


L’effet des lymphocytes T régulateurs sur les lymphocytes T conventionnels a été démontré depuis plusieurs années. En revanche, l’effet inverse est encore une voie peu explorée notamment dans la transplantation de cellules souches hématopoïétiques et dans la maladie GVH. Mon travail de thèse a montré pour la première fois qu’une meilleure immunosuppression des Treg nécessite la cytokine TNFα sécrétée pas les lymphocytes T conventionnels. 

Dans le cas du cancer, il est connu que les cellules tumorales utilisent les Treg comme un bouclier pour supprimer les autres cellules du système immunitaire notamment les lymphocytes T effecteurs.  Par conséquence, ces cellules échappent à la réponse immunitaire. Dans ce contexte, pour obtenir une meilleure réponse immunitaire, il faut s’affranchir des Treg. Le facteur de transcription Foxp3 serait l’outil idéal pour caractériser les Treg. Malheureusement, celui-ci est intranucléaire et donc difficilement accessible. Ce qui est communément utilisé à l’heure actuelle, c’est le marqueur CD25 (le récepteur d’IL-2) largement exprimé à la surface des Treg. Cependant, ce marqueur est également exprimé par les lymphocytes T effecteurs eux-mêmes indispensables pour lutter contre les cellules cancéreuses. Mon travail de thèse a mis en évidence une nouvelle voie impliquant le facteur TNFR2 pour inhiber l’effet suppresseur des Treg.

En effet, l’utilisation d’un anticorps bloquant du TNFR2 a pour effet une immunosuppression totale des Treg. 

4. Pourquoi selon vous votre thèse a-t-elle été saluée par ce prix ?

Selon moi, le jury a attribué ce prix pour saluer l’aspect novateur de cette étude, pour la qualité de la publication scientifique associée à ce travail et enfin probablement parce que mes résultats  ouvrent une nouvelle voie d’application thérapeutique dans le cancer, dans les maladies hématologiques et auto-immunes.

5. Comment qualifierez-vous l’encadrement doctoral dont vous avez bénéficié ?

Super! J’ai eu la chance de travailler avec un personnel professionnel et compétent dans une ambiance amicale. Mais c’est mon directeur de thèse, le Pr. José COHEN qui a décroché « la cerise sur le gâteau » comme il aime si bien le dire. En effet, j’ai bénéficié d’un encadrement excellent. Aucun travail de recherche ne peut s’accomplir sans avoir un milieu favorable et un directeur de thèse qui vous soutienne.  Avec le Professeur José COHEN j’ai eu l’opportunité de penser librement, d’être autonome et de bénéficier régulièrement de discutions scientifiques de grande qualité.

6. Quels sont vos projets professionnels ?


Depuis ma soutenance, je suis post-doctorant dans l’unité INSERM U1197 située à l’hôpital Paul Brousse à Villejuif. Cette unité est spécialisée dans cellules souches et cellules endothéliales. Mon sujet de recherche d’une durée de 3 ans est financé par le RHU Bio-Art Lung (Recherche Hospitalo-Universitaire). Ce projet collaboratif avec de nombreux partenaires publics et privés a pour objectif de développer un poumon bio artificiel portatif destiné aux patients souffrant d’hypertension artérielle pulmonaire. Pour ma part je dois développer la partie endothélialisation et l’aspect immunologique de ce projet.

Apres mon postdoc j’envisage de créer une startup dans le domaine de l’immunologie et de la thérapie cellulaire.