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Muriel Froment-Meurice (Lab'Urba) distinguée pour sa thèse sur la régulation des groupes « indésirables » dans les espaces publics »

Publié le 13 décembre 2017

La thèse de Muriel FROMENT-MEURICE « Produire et réguler les espaces publics contemporains. Les politiques de gestion de l'indésirabilité à Paris » vient d’être saluée par le prix de thèse Université Paris-Est. Rencontre avec la lauréate.

Muriel Froment-Meurice (Lab'Urba) distinguée pour sa thèse sur la régulation des groupes « indésirables » dans les espaces publics »
Muriel Froment-Meurice (Lab'Urba) distinguée pour sa thèse sur la régulation des groupes « indésirables » dans les espaces publics »
Date(s)

le 8 janvier 2018

1. Quel est votre parcours universitaire ?

J’ai un parcours peu linéaire. Après quelques années d’hésitations et une licence de philosophie, j’ai opté pour une licence et un master recherche en géographie à Paris 1. J’ai eu la chance d’y rencontrer des professeur.e.s qui ont marqué mon parcours de recherche : Xavier Browaeys, Béatrice Collignon, Antoine Fleury et Jean-François Staszak. Après une année de césure, je me suis engagée dans une thèse en cotutelle à l’Université Paris-Est et l’Université de Genève sous la direction de Jérôme Monnet et Jean-François Staszak.

2. Quelles sont les grandes lignes de votre thèse ?
Ma recherche doctorale a porté sur la production et la régulation des espaces publics à Paris analysées au prisme de la gestion des « indésirables » (« SDF », « prostituées », « Roms », « bandes de jeunes », etc.). Je me suis appuyée sur trois études de cas : le mobilier urbain, les patrouilles de correspondants de nuit et le système d’accréditation des musiciens dans le métro pour identifier des figures d’indésirables, les registres de justification déployés ainsi que les modalités de gestion de ces individus ou groupes.
La complexification des systèmes d’acteurs se traduit par la diversification des objectifs d’action classiques (assistance, répression, cantonnement, mise en circulation) et leurs imbrications. Des convergences d’intérêts structurent des groupes d’acteurs hétérogènes et des coalitions plus ou moins stabilisées. Ces jeux d’acteurs soulignent combien on est passé de questions sociales (et morales) de contrôle des déviants et d’encadrement des classes populaires aux problèmes de gestion de la visibilité d’individus ou groupes indésirables.

3. Quels enjeux scientifiques vos travaux soulèvent-ils ?

L’enjeu principal relève de l’analyse des politiques publiques. Celles-ci ne se limitent pas aux dispositifs institutionnels codifiés mais se déploient à travers une série de pratiques et de savoir-faire. Dès lors, il m’a semblé pertinent de m’interroger sur les pratiques informelles des acteurs institutionnels alors qu’en géographie les analyses sur « l’informel » sont souvent cantonnées aux pays du Sud ou aux activités dites « subalternes ». D’un point de vue méthodologique cela induit des enquêtes au plus près des pratiques de terrain pour analyser la matérialité de ces politiques publiques. D’un point de vue épistémologique cela conduit à questionner la segmentation de la littérature sur les pays dits « du Nord » et les pays dits « du Sud », ou les acteurs institutionnels et les marginaux pour dépasser les obstacles idéologiques à la circulation des analyses et des concepts.

4. Pourquoi selon vous votre thèse a-t-elle été saluée par ce prix ?


C’est une question qu’il faudrait plutôt poser au jury ! Je crois qu’elle représente bien les dynamiques collectives au sein de notre laboratoire – le Lab’Urba - avec l’équipe « Inégalités / Discriminations » ou le groupe de travail « JEDI » (Justice Espace Discriminations Inégalités) du LABEX Futurs Urbains. En effet, ma recherche s’inscrit dans une perspective pluridisciplinaire à la croisée des questions de géographie sociale, d’urbanisme et d’analyse des politiques publiques. Elle interroge les dynamiques contemporaines de privatisation / publicisation des espaces (Sorkin, 1992, Dessouroux, 2003, Sabatier, 2006) et les logiques d’exclusion / inclusion qu’elles sous-tendent (Mitchell, 1995, Low et Smith, 2005, Dessouroux, Van Criekingen, Decroly, 2009). Elle soulève donc autant des enjeux scientifiques que politiques. L’articulation de ces deux éléments nous amène à développer une réflexion sur la place et le rôle des chercheur.euse.s dans les sociétés contemporaines.

5. Comment qualifierez-vous l’encadrement doctoral dont vous avez bénéficié ?

Ayant toujours eu un emploi pour financer ma thèse, je n’ai sans doute pas profité de toutes les opportunités offertes par mon école doctorale Ville Transports et Territoires (VTT). J’y ai cependant trouvé une offre de formation de qualité, et un réseau de doctorant.e.s impliqué.e.s favorisant le partage de nos interrogations et de nos expériences.

Mes directeurs ont fait preuve de beaucoup de patience et de bienveillance ! Leurs conseils avisés m’ont permis peu à peu de m’affirmer comme chercheuse et non plus seulement comme étudiante.

J’ai aussi eu la chance d’être insérée dans des groupes de recherche stimulants avec JEDI et l’équipe Inégalités / Discriminations. Au-delà des apports théoriques, le sentiment d’appartenir à un collectif soudé m’a donné la confiance nécessaire pour affirmer la pertinence de certaines questions dans le champ des sciences sociales.
J’ajouterai que les cours que j’ai pu donner au sein de l’UFR LLSH à l’UPEC ont aussi joué un grand rôle dans ma formation. S’ils étaient parfois très éloignés de mes questions de recherche, ils m’ont appris à clarifier ma pensée et à la structurer, à défendre rigueur et point de vue critique.

6. Quels sont vos projets professionnels ?


J’ai obtenu ma qualification aux fonctions de maitresse de conférence en section 23 (géographie) et j’aimerais évidemment trouver un poste ! Ils sont rares, et le contexte n’est pas des plus favorables, je jongle donc pour l’instant avec différents contrats précaires. J’envisage aussi les différents concours de recrutement de l’enseignement primaire ou secondaire.

Du point de vue de la recherche, je travaille à la publication de ma thèse et je participe à des projets collectifs. Parmi ceux-ci, nous avons monté une nouvelle enquête avec Lucie Bony et Kaduna-Eve Demailly portant sur les mobilisations des classes supérieures autour de conflits d’aménagement (implantation de logements sociaux, centres d'hébergement d'urgence, centres humanitaires). Restent à trouver de nouveaux financements…