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Le royaume du silence

Publié le 29 octobre 2015

Paris, ville lumière, cache jalousement ses zones d'ombres. Loin des boulevards illuminés et des foules compactes, c'est sous la capitale que les secrets sont les mieux gardés. Entre égouts, fosses communes et anciennes carrières, les dessous de la plus belle ville du monde regorgent de lieux inconnus.

Le royaume du silence, plongée dans les catacombes de Paris - Article de Mathieu Imbert (Photo : searagen / Konstantin Kalishko)
Le royaume du silence, plongée dans les catacombes de Paris - Article de Mathieu Imbert (Photo : searagen / Konstantin Kalishko)
Ce qu'on appelle faussement "catacombes" est en réalité un immense réseau souterrain parcourant surtout les 13e, 14e, 15e et 6e arrondissements parisiens. Le terme en lui-même désigne un ossuaire enfouis. En l’occurrence, celui ouvert au public qui a fait la réputation des souterrains. Mais il ne constitue qu'une infime partie des 300km de galeries qui courent la capitale.

Découvrir les secrets enfouis de Paris n’est pas facile. Les entrées sont gardées secrètes et seules certaines personnes en ont connaissance. De plus, descendre dans les anciennes carrières est interdit depuis 1954. A l’époque, en pleine guerre d’Algérie, la mairie de Paris craignait que les innombrables grottes et tunnels ne servent d’abris aux regroupements politiques. Depuis, l’arrêté n’a toujours pas été abrogé et pénétrer dans ces allées silencieuses reste formellement interdit. Pourtant, il existe de petits groupes de résistants, les cataphiles.

Des artistes aux fêtards en passant par les historiens, ils se rassemblent autour de leur passion commune, les dessous parisiens. "C’est une communauté très solidaire. On n’aime pas qu’on parle de nous. On tient à nôtre intimité." Ces fantômes de la nuit ne s’appellent que par pseudo et ignorent tout de la vie à l’air libre de leurs camarades. C’est la règle. On peut se considérer comme membre de cette communauté plus que spéciale lors de la remise de la carte du réseau souterrain. Bien que de nos jours, trouver une telle carte soit à la portée de tous, trouver une carte exacte est impossible. Car le réseau change indéfiniment au gré des constructions parisiennes. Métro, parkings, centres commerciaux, pour laisser place au XXIe siècle de nombreuses grottes ont déjà été dynamité.

Loin du bruit, dans ce royaume du silence

L’activité première d’un cataphile sous la surface est … de creuser. Armés de pioches et d’autres outils, ces mineurs 2.0 creusent à même la roche pour créer "leur endroit à eux loin du bruit, dans le royaume du silence." Et le résultat est généralement bluffant. On passe de chatières boueuses à couloirs inondés et soudain, vous voilà devant un château-fort sculpté dans la roche. Des fresques, des peintures, des statues … Car les cataphiles ne sont pas que mineurs, ils sont avant tout artistes. Et vivants. Contrairement aux premiers occupants du sous-sol parisien.

C'est au Moyen-Âge et sous la Renaissance que la décision est prise d'exploiter le sous-sol parisien riche en calcaire. On voit alors se développer peu à peu un immense réseau minier. Il faudra attendre la fin du XVIIIe siècle pour que les premiers ossements soient transférés sous terre pour faire face à la saturation des cimetières parisiens qui entraîne de nombreux problèmes dûs à l'insalubrité. La décomposition de centaines de cadavres, souvent à ciel ouvert, favorise la propagation des maladies et va jusqu’à empoisonner l'eau des puits. En 1782, un projet de réorganisation des sépultures parisiennes voit le jour. Il consiste à déplacer les corps et ossements des cimetières de Paris intra-muros dans les anciennes carrières, inexploitées depuis longtemps. L'opération débute en 1787 et se terminera 27 ans plus tard.

Les anciennes carrières s’étendent sous 40% de la surface de Paris

Dès la fin des travaux, ce lieu insolite suscite la curiosité. Jusqu'à ce que les catacombes deviennent un site historique reconnu en 2002, seuls de très rares privilégiés ont eu le droit d'en parcourir les allées. Bien qu'aucun des ossements n'ait pu être identifié, les restes de grands personnages de l'Histoire de France reposent au sein de cet "empire de la mort". Parmi eux Rabelais, Racine, Pascal, Marat, Danton et Robespierre pour ne citer que les plus illustres.

Le tombeau de la Tombe-Issoire, le plus connu et le seul accessible au public, n'est pourtant qu'un des quatre grands ossuaires parisiens. Ceux de Montmartre, Montparnasse et du Père-Lachaise, sont interdit au public par risque d’inondation ou d'éboulement. Au total, les anciennes carrières s'étendent sous 40 % de la surface de la ville actuelle. Car oui, les ossuaires font la réputation des souterrains parisiens mais ne constituent qu’une minuscule parcelle de ce que cache la capitale.

Descendre dans les ténèbres pour trouver la lumière. Tombeau silencieux, grottes inexplorées, salles sculptées … De quoi passer la vie sous terre, sous Paris.

Matthieu Imbert
inscrit à l'option transversale "Journalisme et communication"