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Qui détermine le sexe des individus ? Comment le droit définit notre identité

Publié le 28 mai 2017

Article de Taklith Boudjelti, Chargée de cours en droit privé à l'UPEC, Emmanuel de Vienne, Maître de conférences en anthropologie à l'Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières et Laure Assaf, ATER en anthropologie à l'École des Hautes Études en sciences sociales (EHESS), publié sur The Conversation France

Qui détermine le sexe des individus ? Comment le droit définit notre identité
Qui détermine le sexe des individus ? Comment le droit définit notre identité
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le 28 mai 2017

Billet publié en collaboration avec le blog de la revue Terrain. Dans le numéro 66, « Renaître », le dossier éclaire le désir contemporain de renaître à la lumière de ses avatars passés et présents, de l’initiation à la réincarnation, en passant par le spiritisme ou la résurrection.
Photo : Manifestation en France en mai 2016 pour faire accepter le changement d'état civil. Julie Cotinaud/Wikimedia, CC BY-NC-SA








Photo : Renaître, automne 2016. Bedelgeuse/Terrain

Peut-on inscrire un autre sexe que masculin ou féminin sur notre carte d’identité ? Peut-on en changer comme bon nous semble ? Peut-on opter pour un nom féminin quand on a reçu un nom nous identifiant comme homme ? Ou, à l’inverse, demander la mention de « Monsieur » sur le livret de famille lorsque l’on vient d’accoucher d’un enfant ?

La juriste Taklith Boudjelti revient sur la question du changement de sexe et d’état civil du point de vue du droit dans un entretien avec Emmanuel de Vienne, anthropologue et rédacteur en chef de la revue Terrain.

Le changement de sexe à l’état civil interroge « la finalité de l’état civil. Doit-il prendre en compte les revendications personnelles et permettre aux individus de se définir ? Doit-il être une forme de selfie juridique évolutif qui refléterait les différents visages de la personne ? » écrit Taklith Boudjelti dans son article « Le soi et le droit ».

Le 4 mai 2017, à l’occasion d’un arrêt rendu par la première chambre civile, la Cour de cassation rejette la mention « sexe neutre ».

Ce faisant, elle valide ainsi la solution déjà rendue par la Cour d’appel d’Orléans le 22 mai 2016. La Cour considère que « la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin ».

«Changement de sexe à l’état civil», entretien avec Taklith Boudjelti pour Terrain.

Le 18 novembre 2016, la loi de modernisation de la justice avait pourtant amené un progrès relatif pour les droits des personnes trans. Elle modifie en effet les conditions de demande d’un changement de sexe à l’état civil : l’absence de documents médicaux prouvant le caractère « irréversible » de ce changement (par intervention chirurgicale ou traitement hormonal) n’est ainsi plus un critère de refus.

Cette évolution est considérée comme positive par les associations concernées dans le sens où la procédure est partiellement démédicalisée, mais elle reste en revanche une procédure judiciaire, puisqu’il faut toujours passer devant un juge.

Ces décisions contrastées traduisent des interprétations différentes de la fonction de l’état civil. A la conception d’un état civil servant l’ordre public et sa fonction policière, à travers l’identification des individus par l’État, s’oppose celle d’un état civil reflétant les changements de vie des personnes au nom du respect de leur vie privée.

Le sexe inscrit à l’état civil doit-il être assigné par l’État à la naissance, ou doit-il laisser la possibilité d’une autodétermination par les individus ?

Les évolutions de la législation, mais aussi des techniques d’identification, remettent ultimement en question la nécessité d’inscrire le sexe à l’état civil.


The ConversationLa revue Terrain, revue historique d’anthropologie, éclaire les aspects les plus variés et parfois les moins connus des sociétés d’hier et d’aujourd’hui. Elle privilégie la description ethnographique et l’étude de cas étonnants, dérangeants parfois, à même de décaler le regard.

Taklith Boudjelti, Chargée de cours en droit privé, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC); Emmanuel de Vienne, Maître de conférences en anthropologie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières et Laure Assaf, ATER en anthropologie, École des Hautes Études en sciences sociales (EHESS)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.