• Recherche,

Le projet de recherche DIVINE analyse la qualité de l’air et la diffusion des virus dans des espaces clos

Publié le 2 mars 2015

Evelyne GEHIN présente les recherches qu’elle conduit au CERTES sur la propagation des virus respiratoires dans l’air intérieur.

Date(s)

le 2 mars 2015

Quels sont les axes principaux de votre projet de recherche ?

Dans le cadre du projet DIVINE « DIffusion of Virus in INdoor Environment », le CERTES collabore avec le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et l’université de Laval au Québec. La recherche du CERTES porte plus précisément sur la propagation par l’air de virus respiratoires du type rhinovirus et influenza. Nous cherchons en particulier à analyser et à quantifier les proportions respectives de virus qui se retrouvent en suspension dans l’air d’une pièce abritant une ou des personne(s) contaminée(s) et celles qui se déposent sur les surfaces.
Le coût sanitaire et socio-économique des infections virales est considérable. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, la grippe provoque un absentéisme évalué à environ 2 millions de journées de travail pour les épidémies faibles, et jusqu’à 12 millions pour les épidémies intenses.
De toutes les infections virales aigües, celles qui touchent la sphère respiratoire sont parmi les plus fréquentes. Or, en dehors de la vaccination ou de recommandations pratiques comme le lavage des mains, il n’existe pas énormément de mesures de prévention pour éviter la transmission de ces virus. Nos recherches peuvent permettre de rajouter des moyens d’action pour répondre aux questionnements des pouvoirs publics.


Quels premiers résultats avez-vous mis en évidence et quel est leur intérêt scientifique ?

Pour conduire l’étude, le CERTES s’appuie sur la plate-forme d’essais « ASTERIA » développée par le CSTB dans le cadre de ses travaux sur la gestion de la qualité microbiologique de l’air. ASTERIA est une enceinte expérimentale constituée d’un volume de 90 m3. Elle constitue un volume modulaire qui permet une mise en situation intégrée de systèmes de mesure et de gestion de la qualité de l’air intérieur à une échelle expérimentale pertinente. Dans le cadre de ce projet, l’environnement de test « reproduit » une salle de classe et est équipé de tables, chaises, bureaux et mannequins. Nous utilisons un générateur, c’est-à-dire une source simulant les émissions oropharyngées (gouttelettes émises lors de l’expiration, la parole ou la toux), à partir de laquelle nous allons caractériser les particules mises en suspension et leur transport.

Les premiers résultats font apparaître :
- un séchage très rapide des gouttes émises, qui vont rester en suspension dans l’air sous forme de résidus secs (particules constituées des éléments solides et des sels contenus dans la salive), et cela quelle que soit l’activité (expiration, toux, parole) ;
- une répartition très homogène des aérosols, dans l’air et sur les surfaces, dans la salle de classe.

Nous allons prochainement étudier la dispersion de gouttes de plus grande taille, et voir si nous obtenons des résultats allant dans le même sens.
Ces résultats expérimentaux constituent une base de données permettant de valider les modèles de prédictions utilisables ensuite dans différents types d’environnements intérieurs (cabine d’avion, rame de train ou de métro, hôpitaux...). En quantifiant avec précision le transport des virus, nous pourrons ainsi faire des préconisations, par exemple : faut-il traiter l’air ou plutôt les surfaces des locaux contaminés ?

Utilisez-vous d’autres instruments pour conduire votre projet ?

Pour définir et mesurer le trajet de ces aérosols, nous utilisons un instrument de simulation des émissions oro-pharyngées, créé au CERTES, ainsi que des outils classiques de métrologie des aérosols (comme par exemple des granulomètres qui nous servent à mesurer la concentration des aérosols dans l’air), ainsi que différents systèmes de collecte de ces aérosols.
Nous avons recours à une technique utilisant un traceur fluorescent qui nous permet de détecter des dépôts d’aérosols même en quantité très faibles.

S’agit-il d’un projet de recherche interdisciplinaire ?


Le projet DIVINE associe les travaux de physiciens et de biologistes. Nos collègues du CSTB et de l’université de Laval analysent notamment la survie de certains virus dans l’air. Ils cherchent également à étudier l’impact sur l’infectiosité du virus quand il passe d’une présence dans l’eau (salive) à l’air ou bien quand il se dépose sur différents types de surface.

Une des pistes pour la suite de l’étude pourrait bien entendu consister en des collaborations avec des pneumologues.

Le CERTES prévoit-il de passer d’une étude conduite en enceinte expérimentale à une étude en environnement « grandeur nature » ?

En février, en pleine période d’épidémie de grippe, nous avons, avec les chercheurs du CSTB, conduit une campagne de mesure dans des salles de cours de l’IUT Créteil Vitry. Ils ont procédé à la captation de bio-aérosols, par le biais de biocollecteurs et procédé à des écouvillonnages sur les bureaux après les séances de travaux dirigés. La même salle de cours a été testée sur plusieurs jours, avec des étudiants différents. Nous allons maintenant analyser les prélèvements ainsi opérés.



Existe-t-il un lien recherche-formation sur cette problématique à l’UPEC ?


Nous travaillons sur ces sujets notamment avec les étudiants du master 2 sciences et génie de l’environnement de la Faculté de sciences et technologie, parcours AIR.
Nous envisageons également une restitution opérationnelle de nos résultats dans le cadre d’une présentation aux étudiants de l’IUT Créteil Vitry, vraisemblablement via des exposés devant ceux du département de génie biologique .

En termes de restitution plus globale de nos résultats, nous avons prévu de présenter des propositions de solutions de gestion de la contamination virale compatibles avec la gestion d’une salle de classe. Au terme de l’étude, nos travaux donneront lieu également, plus classiquement,  à élaboration d’un rapport scientifique sur les déterminants de l’exposition aux virus respiratoires, et une proposition de méthodologie d’évaluation de l’exposition.

Glossaire
Aérosols : suspension, dans un milieu gazeux, de particules solides ou liquides (ou les deux), présentant une vitesse de chute négligeable.