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Mettre fin au suremballage, mode d’emploi

Publié le 20 juillet 2017

Article de Fanny Reniou, Maître de conférences à l'UPEC, publié sur The Conversation France

Mettre fin au suremballage, mode d’emploi
Mettre fin au suremballage, mode d’emploi
Date(s)

le 20 juillet 2017

Photo : La perception d'un produit par le consommateur dépend de la manière dont les produits concurrents se présentent, au sein d’un même rayon. Shutterstock

Depuis une dizaine d’années les pouvoirs publics encouragent les entreprises à réduire l’impact environnemental de leurs emballages. Le suremballage est tout particulièrement visé, d’autant que son utilité est souvent remise en cause par les consommateurs eux-mêmes. Le tube de crème ou de dentifrice entouré d’un carton puis d’un film plastique peut en effet agacer des consommateurs qui se sentent envahis par ce genre de déchets. Et ceux-ci sont nombreux.

L’Ademe a ainsi pointé du doigt en 2014 les 125 kg d’emballages jetés par les Français chaque année et l’effarant coût de gestion qui leur est associé : 1,88 milliard d’euros !

De nombreux industriels tentent de s’en passer, à l’image de Danone sur certains packs de ses yaourts avec au passage des économies de carton de plusieurs tonnes. D’autres se montrent encore réticents à supprimer leurs suremballages, généralement par méconnaissance des effets de cette suppression.

L’enjeu de cette suppression, important dans la perspective d’un développement plus durable, confronte les industriels à un « dilemme éthique » : risquer de perdre des ventes ou privilégier l’écologie. D’un côté, comme l’emballage est un outil de différenciation pour certains produits, l’éliminer peut dégrader leur image et leur attractivité dans les rayons. De l’autre, la suppression du suremballage peut leur apparaître comme une opportunité de répondre aux exigences croissantes de leurs parties prenantes en matière de développement durable, et de crédibiliser ainsi leur engagement écologique.
 

Un enjeu différent d’une marque à l’autre


À travers une première étude expérimentale publiée en 2014, nous avons cherché à apporter une solution à ce dilemme en répondant à la question suivante : la suppression du suremballage a-t-elle une influence sur la manière dont les consommateurs perçoivent les produits ? Modifie-t-elle leurs intentions d’achat ?

Nous avons plus particulièrement étudié le cas de cette suppression pour deux marques de distributeurs : une marque « générique » (marque « premier prix ») et une marque « mimique » (marque dont le prix et la qualité sont standards et qui « copie » en général la marque nationale). La présence du suremballage était manipulée en présentant des yaourts par pack de 4 pots thermocollés, alternativement entourés ou non d’une cartonnette.

Notre expérimentation montre que la suppression du suremballage a une influence négative sur l’image des marques mimiques, dont elle dégrade la perception de qualité et de praticité, tout en améliorant leur image écologique. Cette dégradation de la qualité perçue n’apparaît pas pour les marques génériques, pour lesquelles la suppression du suremballage est attribuée par les consommateurs, à une réduction des coûts, logique au vu de leur positionnement.

Ces premiers résultats, qui concluent sur le fait que le retrait des suremballages ne pénalise que les marques mimiques, invitent les distributeurs à réfléchir aux éléments de l’emballage primaire (celui qui contient le produit) qu’ils doivent renforcer pour ne pas entacher la qualité perçue de leurs marques. Les distributeurs peuvent également envisager des campagnes de communication qui souligneraient la non-altération de la qualité du produit, tout en mettant en valeur les bienfaits de la suppression du suremballage : praticité, prix, caractère écologique. Pour les marques de distributeurs génériques, à partir du moment où le consommateur attribue l’absence de suremballage à un choix cohérent, celui-ci peut être légitimement enlevé sans que cela n’affecte la qualité perçue du produit.


Photo : Les yaourts font partie des produits les plus concernés par le suremballage. Shutterstock
 

Ce que fait le concurrent compte


Peu de travaux ont évalué les répercussions du retrait du suremballage en prenant en compte les effets potentiels des pratiques des concurrents en la matière.

Or, la manière dont un consommateur évalue un produit dépend de la manière dont les produits concurrents se présentent au sein d’un même rayon. Dans une seconde étude expérimentale publiée en 2016, nous avons donc posé la question suivante : comment le consommateur perçoit-il un produit non suremballé selon que celui-ci est intégré dans un rayon où les concurrents suivent, ou non, la même stratégie ?

Notre expérimentation montre que l’impact de l’élimination du suremballage sur les perceptions des consommateurs dépend de la configuration du linéaire en magasin et notamment de la présence ou non de suremballage sur le produit concurrent. Plus précisément, son retrait génère une diminution de l’intention d’achat du produit, mais cet effet disparaît lorsque le produit concurrent n’est pas, lui non plus, suremballé.

Le contexte du rayon joue ainsi un rôle dans la manière dont le retrait du suremballage impacte la décision d’achat du consommateur.
 

Le dilemme du prisonnier


Ces résultats montrent que les industriels n’ont intérêt à supprimer le suremballage que si leurs concurrents ont déjà commencé à le faire également. Ceci fait écho au dilemme du prisonnier qui caractérise en théorie des jeux une situation dans laquelle les acteurs auraient tout intérêt à coopérer plutôt qu’à jouer seul. La solution serait ici de décider collectivement de supprimer le suremballage.

The ConversationÀ la lumière de nos travaux, nous suggérons donc qu’une tierce partie invite les industriels à négocier et à prendre ensemble la décision de créer un nouveau « standard » de marché, soit un marché sans suremballage, notamment pour les yaourts, les dentifrices et les produits d’hygiène-beauté, qui sont les catégories les plus concernées.

Fanny Reniou, Maître de conférences, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC); Béatrice Parguel, Chargée de recherche CNRS, Université Paris Dauphine – PSL; Elisa Monnot, Maître de conférences, Université de Cergy-Pontoise et Leila Elgaaied-Gambier, Maître de conférences, Université de Cergy-Pontoise

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.