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Comment l’exposition passée aux risques psychosociaux affecte la santé des retraités

Publié le 19 février 2017

Article de Thomas Barnay, Professeur de sciences économiques, à l'UPEC, publié sur The Conversation France

Retraités. Stephane Mignon, CC BY
Retraités. Stephane Mignon, CC BY
Date(s)

le 19 février 2017

Photo : Retraités. Stephane Mignon,

La qualité de vie au travail est, en France, particulièrement dégradée, avec une forte pénibilité physique mais aussi une faible autonomie au travail. Entre 2006 et 2010, on observe une augmentation de l’exposition des travailleurs aux risques psychosociaux (intensité du travail, exigences émotionnelles, manque d’autonomie, tensions dans les relations de travail, et surtout manque de reconnaissance).

Ces nouvelles formes de pénibilité, liées à l’intensification du travail, de fortes contraintes de rythme, une plus grande polyvalence mais aussi la peur de perdre son emploi, sont susceptibles d’affecter la santé de long terme en particulier durant la retraite.

Pourtant cette question est absente des programmes des candidats à la Présidentielle outre Benoît Hamon qui propose, à raison, l’inscription du Burn out comme maladie professionnelle.


Conditions de travail et pénibilité reconnue


Nous avons mené, avec Éric Defebvre (Université Paris-Est Créteil, Érudite), une étude originale portant sur les questions de retraite, pénibilité et santé réalisée à partir des données autodéclarées (et non diagnostiquées) de l’enquête Sip (Santé et itinéraire professionnel) (accessible ici).

Cette étude vise à mesurer l’effet spécifique des conditions de travail physiques et psychosociales vécues durant toute la carrière professionnelle sur la santé physique, les troubles mentaux et la consommation de médicaments (antidépresseurs, somnifères et anxiolytiques) des retraités. L’échantillon est constitué de 3 129 retraités âgés de moins de 79 ans en 2010 (âge maximal dans la base) et ayant au moins travaillé dix années.

Les conditions de travail sont disponibles durant toute la carrière professionnelle (en termes de nature et de durée d’exposition). On peut identifier :

  • quatre contraintes physiques (travail de nuit, travail répétitif, travail physiquement exigeant, exposition à des produits nocifs ou toxiques)

  • et six risques psychosociaux (compétences pleinement mobilisées, travail sous pression, tensions avec le public, reconnaissance du travail à sa juste valeur, conciliation travail et obligations familiales, qualité de la relation de travail avec les collègues).

Les seuils d’exposition retenus pour les contraintes physiques sont ceux qui correspondent peu ou prou à celles définies par la loi du 20 janvier 2014 dans le cadre du « compte pénibilité » (désormais inclus, depuis le 1er janvier 2017, dans le compte personnel d’activité) soit huit années de mono-exposition ou quatre années de polyexposition ; la même définition est retenue pour les risques psychosociaux.

La santé physique est repérée à partir des questions du mini module européen (santé perçue, maladies chroniques et limitations d’activité) et la santé mentale à partir de deux troubles mentaux ; les épisodes dépressifs caractérisés et les troubles anxieux généralisés.
 

Des effets lourds sur la santé physique des retraités


Nos résultats montrent que l’exposition aux contraintes physiques, telles que définies par la Loi, dégrade de 30 % à 38 % la santé physique des retraités, par rapport à une personne moins exposée durant sa carrière, toutes choses égales par ailleurs. L’exposition à des RPS a un même effet négatif de 17 % à 35 % selon les indicateurs de santé.

Si l’on examine le rôle des conditions de travail sur les troubles mentaux, il n’y a pas d’effet des contraintes physiques sur la santé mentale à l’âge de la retraite a contrario l’effet des risques psychosociaux sur la santé mentale à l’âge de la retraite est absolument majeur. Les risques de déclarer des troubles anxieux, des dépressions, des consommations d’anxiolytiques, de somnifères et d’antidépresseurs sont accrus respectivement de 90 %, 79 %, 20 %, 39 % et 49 %, toutes choses égales par ailleurs.

Ces derniers résultats sont amplifiés dans la population féminine. Ce résultat témoigne du caractère pénalisant de long terme des conditions de travail pénibles, notamment les risques psychosociaux, sur la santé des retraités avec des effets prononcés sur la dépense de soins en particulier en médicaments.

Ces conclusions appellent à un renforcement de la prévention ciblée en milieu professionnel sur les risques psychosociaux qui pourrait non seulement améliorer la qualité de vie au travail et, par conséquent, la productivité et le bien-être individuel mais aussi diminuer les dépenses de médicaments.

The Conversation

Thomas Barnay, Professeur de sciences économiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.